Webinaire : Bâtir un système de soins de santé durable dans un Canada post-pandémie

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Transcription

Aux fins de compréhension et de clarté, vous trouverez ci-dessous la traduction de la transcription du webinaire donné en anglais. Il ne s’agit pas de la transcription de l’interprétation simultanée en français.

Chris Kuchciak

Bon après-midi et bonjour, où que vous soyez. Je suis ravi de vous accueillir à la séance d’aujourd’hui. Je m’appelle Chris Kuchciak et je gère le programme des dépenses nationales de santé ici à l’Institut canadien d’information sur la santé. Je m’adresse à vous depuis Ottawa, qui est le territoire traditionnel non cédé des peuples algonquins et anishinaabe, et l’ICIS aimerait reconnaître collectivement les terres que nous occupons tous, qu’elles soient cédées ou non.

Nous sommes ravis d’avoir plus de 200 personnes inscrites à la séance d’aujourd’hui, et nous allons l’enregistrer et la publier sur notre site Web et sur YouTube.

Il semble donc que les décideurs politiques se livrent à deux courses ces jours-ci. L’un d’entre eux est un sprint visant à fournir une réponse d’urgence pour faire face à la pandémie. L’autre est un marathon qui traite de questions qui existaient bien avant la pandémie et qui existeront longtemps après. Pensez à des choses comme les dépenses et la situation budgétaire, le vieillissement de la population, le personnel de santé et la technologie.

Aujourd’hui, un groupe d’experts exceptionnels se joint à moi pour en discuter. Nous accueillons Livio Di Matteo, qui est professeur d’économie à l’Université Lakehead. Il est membre du groupe consultatif de la BDDNS et commente régulièrement les politiques publiques dans les médias.
Nous avons Dee-Jay King. Il est directeur général de l’économie de la santé et du financement au sein du gouvernement de l’Alberta. Il dirige une équipe qui fournit des données probantes pour orienter les décisions opérationnelles et politiques du ministère de la Santé de l’Alberta.

Kim McGrail est professeure à l’École de la santé publique et de la population de l’Université de la Colombie-Britannique et au Centre de recherche sur les politiques et les services en santé. Vous connaissez ses recherches sur le vieillissement, les coûts et l’utilisation des services de soins de santé et le financement.

Nous accueillons également Rebekah Young, directrice de l’économie fiscale et provinciale à la Banque Scotia. Avant de se joindre à la Banque Scotia, elle a passé de nombreuses années au ministère des Finances du gouvernement fédéral.

Nous prévoyons consacrer du temps à la fin de la séance pour répondre aux questions des auditeurs. N’hésitez pas à poser vos questions en cliquant sur le bouton Q & R au bas de votre écran.

Commençons par parler de la difficulté de trouver un équilibre entre les besoins en matière de dépenses de santé tout en respectant nos budgets.
Livio, je m’adresse d’abord à vous. Historiquement, nous avons assisté à une augmentation continue des dépenses de santé. Croyez-vous que cette tendance est durable?

Livio Di Matteo

Bonjour à tous. C’est une bonne question. Du point de vue d’un économiste, la réponse dépend de la perspective temporelle dans laquelle on se place. À long terme, les inquiétudes tiennent au fait que les dépenses de santé ont augmenté à la fois par habitant et en proportion du PIB.
Si l’on remonte aux années 1970, le ratio des dépenses de santé et par rapport au PIB était d’environ 7 %. Actuellement, il est d’un peu moins de 13 %, et cela nous pousse à nous demander si cette tendance est durable, surtout à la lumière des hausses récentes découlant de la pandémie de COVID-19.

En termes de dépenses par habitant, au cours des 40 ou 50 dernières années, les dépenses réelles après ajustement pour l’inflation et la population ont été multipliées par 2,5. Ainsi, à long terme, on craint que les ressources soient insuffisantes, puisque la hausse des dépenses de santé semble être inexorable.

À court terme, la pandémie a contribué à raviver les inquiétudes concernant la durabilité en raison de la hausse soudaine des dépenses, mais ces inquiétudes varient en fonction du taux d’augmentation. Vers la fin des années 1950, et durant les années 1960 et 1970, aux premiers temps de l’assurance-maladie, l’augmentation des dépenses réelles par habitant dépassait largement 10 % dans les provinces et les territoires. Ce taux s’est ensuite stabilisé à environ 3 % au cours des années 1980. Nous avons même connu une baisse au début des années 1990, pendant la période de la crise fiscale fédérale. Les préoccupations quant à la viabilité des dépenses se sont ensuite ravivées, étant donné qu’entre la fin des années 1990 et la grande récession, la croissance des dépenses par habitant a été d’environ 4 %.

Ces dépenses se sont ensuite stabilisées. Avant la pandémie, elles n’avaient augmenté que d’environ 1 % par an en termes de dépenses réelles par habitant. La pandémie a entraîné une hausse des dépenses, mais il faut examiner attentivement cette hausse. Les mesures d’intervention ont contribué à l’augmentation des dépenses, mais en termes réels par habitant, on a observé une baisse dans certaines catégories.

Faut-il donc s’inquiéter de savoir si ces dépenses sont durables? D’une part, la durabilité se définit en fonction de ce que la société est prête à accepter. Si la société est prête à payer pour un ratio de dépenses de santé de 13 %, 14 % ou 12 %, alors c’est parfaitement raisonnable.
Aussi, quand on sait que les deux tiers des fonds proviennent des gouvernements provinciaux et territoriaux, c’est que le système est aussi durable qu’on veut qu’il le soit. Et si l’on observe le comportement des gouvernements provinciaux au fil du temps, on constate qu’ils ont toujours géré les problèmes de dépenses devant le fait accompli. Le meilleur exemple remonte au début des années 1990.

Je pense que la durabilité est une importante, mais la plus grande préoccupation touche la rentabilité, car nous semblons dépenser énormément pour la santé malgré des résultats mitigés. Parmi les pays de l’OCDE, nous nous classons 7e sur 38 pour nos dépenses de santé par rapport au PIB. Nous figurons parmi les pays qui dépensent le moins par habitant. Et pourtant, nos résultats sont nuancés sur des enjeux comme la mortalité infantile, les taux de survie pour certains cancers, etc. Tout cela concerne les résultats.

Du côté des intrants, malgré le fait que nous semblons dépenser énormément d’argent, le Canada se classe 30e sur 38 quant au nombre de médecins par 1 000 habitants. Le nombre de lits d’hôpitaux est également très bas, comme on a pu le constater pendant la pandémie. Sur le plan des IRM par million d’habitants, nous avons là aussi tendance à nous situer dans le dernier tiers. Il s’agit donc d’une situation inhabituelle où nous semblons dépenser beaucoup, mais avec des résultats un peu mitigés.

Ce n’est pas que nous ayons un mauvais système de soins de santé, au contraire. En effet, il est facile d’exagérer ces classements dans la mesure où on parle de pays développés, et que les différences sur le plan des résultats sont en réalité assez faibles. Pourtant, il convient de se demander si nous pouvons améliorer la rentabilité des investissements.

Et cela devient une préoccupation parce qu’à long terme, si vous y réfléchissez, le système de soins de santé doit être en concurrence avec tous les autres. Les changements climatiques suscitent beaucoup d’inquiétudes, tout comme les inégalités et les coûts du logement. Toutes ces questions vont, dans un sens, capter l’attention du public, des décideurs et des politiciens. Si on souhaite obtenir davantage de ressources, il sera important de démontrer la rentabilité des investissements au fil du temps.

À vous, Chris.

Chris Kuchciak

Merci. Dee-Jay, parlons maintenant des dépenses de santé des provinces et des territoires. Avant la pandémie, l’Alberta se situait au-dessus de la moyenne sur le plan des dépenses par habitant. Pouvez-vous nous parler un peu du processus engagé par l’Alberta pour régler cette question?

Dee-Jay King

Bon après-midi à tous. Comme vous le notez, Chris, je pense que nous sommes toujours au-dessus de la moyenne. Comme Livio l’a noté, le Canada est un des pays qui dépensent le plus par habitant, et nous avons tendance, du moins dans mon groupe, à observer principalement les dépenses par habitant, car cela permet de normaliser les provinces et les territoires.

Ainsi, l’Alberta continue de se classer parmi les grandes provinces du Canada qui dépensent le plus par habitant. En fait, les rapports de la BDDNS révèlent que nous sommes bien au-dessus de la moyenne comparativement à d’autres grandes provinces.

Puisque nous nous classons au-dessus de la moyenne au Canada et aussi mondialement, il va de soi que nous nous situons au sommet de l’échelle des dépenses de santé.

Comme l’a fait remarquer Livio, les résultats en matière de santé obtenus au Canada ne semblent pas correspondre à la quantité d’argent dépensé, ce qui est observable en Alberta. Pourtant, nos résultats ne sont pas significativement différents de ceux obtenus par nos collègues des autres provinces.

Nous cherchons donc à savoir pourquoi nos coûts sont si élevés. Pour examiner la question, il faut premièrement se pencher sur la main-d’œuvre, car elle représente environ les deux tiers des coûts du système en Alberta. C’est un sujet très intéressant. Ceux qui travaillent dans ce secteur savent qu’il existe plusieurs facteurs et approches liés à l’analyse de la main-d’œuvre. Sans être un expert dans ce domaine, j’ai observé qu’en général, lorsque l’économie est en période d’expansion, les principes économiques de base indiquent que la rémunération augmente en fonction de la demande. Cette marée montante a également des répercussions sur les soins de santé.

Ce que nous constatons, en particulier dans le secteur des soins de santé, c’est que les salaires demeurent élevés durant les périodes de ralentissement économique, contrairement aux autres secteurs où l’on observe des baisses importantes des salaires et des avantages sociaux.
Les besoins en main-d’œuvre dans le secteur des soins de santé ne suivent pas le même rythme que l’économie, ce qui complique le travail des provinces et des territoires. Une fois que le coût est là, on est un peu coincé. La manière de procéder, et ce fut le cas en Alberta il y a quelques années, est de signaler aux intervenants qu’ils doivent serrer la ceinture. Comme Livio l’a mentionné, les années 1990 ont été une période difficile pour ceux qui travaillaient dans le domaine des soins de santé. C’est en fait à cette époque que nous commencé à sonner le signal d’alarme et à restreindre le budget en conséquence.

Je crois qu’au cours des dernières années, l’Alberta a réussi à collaborer avec les intervenants pour serrer la ceinture à certains égards. Dans l’ensemble, les coûts n’ont pas vraiment diminué, mais par habitant, ils se sont nettement stabilisés. Si vous regardez le rapport du rapport de la BDDNS, vous verrez effectivement que l’Alberta a réussi à stabiliser l’augmentation globale des dépenses en soins de santé alors que cette hausse se poursuit dans d’autres provinces, pour diverses raisons. L’écart entre l’Alberta et les autres grandes provinces commence donc à diminuer.

De ce point de vue, je crois que l’Alberta a obtenu les résultats souhaités. Les publications comme les Dépenses de santé nous aident certainement à savoir où nous nous situons par rapport aux autres provinces.

J’espère que cela répond à votre question, Chris.

Chris Kuchciak

Oui, en effet, Dee-Jay. Merci beaucoup. Je vais maintenant céder la parole à Rebekah, qui parlera de son expérience au ministère des Finances. À la lumière des déficits budgétaires engendrés par la pandémie, quels sont, selon vous, les défis liés à la gestion des budgets et des demandes de fonds concurrentes? Puisque notre auditoire est principalement composé de planificateurs des systèmes de santé, comment pouvons-nous tenir compte de ces questions lorsque nous préparons nos demandes de financement?

Rebekah Young

Je pense que vous avez saisi l’essence du travail du ministère des Finances en évoquant le concept de concurrence pour des ressources limitées. Donc le ministère des Finances est typiquement le ministère du « non ». Il y a plusieurs dizaines de demandes pour chaque dollar, et le ministère doit faire des compromis et choisir où allouer les ressources.

Pour ce qui est des grands enjeux d’intérêt public, va-t-il attribuer beaucoup ou peu de ressources? Il essaie de calibrer cela en fonction des conditions économiques. Le ministère aura tendance à dépenser plus lorsque l’économie est faible, et moins lorsqu’elle est forte.

Le troisième aspect, c’est que le ministère essaie aussi d’établir dans quel secteur stimuler la croissance. C’est difficile, parce que les dépenses en santé ne sont pas considérées comme un investissement permettant de renforcer la croissance.

Je dirais que nos systèmes économiques actuels ne parviennent pas à saisir la valeur d’une main-d’œuvre en bonne santé, ou même bien informée. Tout ceci est vu comme une dépense et non comme un facteur de croissance.

En résumé, voilà quelques éléments que le ministère et la ministre des Finances prennent en compte dans leurs décisions budgétaires.
Ceci dit, je crois que dans le contexte actuel, il y a des aspects positifs et négatifs liés à la hausse du financement pour les dépenses de santé. D’abord, nous constatons que le gouvernement fédéral est ouvert à l’augmentation des dépenses en raison des répercussions initiales de la pandémie. Nous savons que l’an dernier, le gouvernement a accumulé un énorme déficit d’environ 350 milliards de dollars. Une grande partie de cette somme a été consacrée aux soins de santé, ce qui a permis aux provinces de respirer un peu grâce à des mesures de soutien exceptionnelles pendant la pandémie. Si l’ont en croit les promesses électorales, les provinces devraient continuer à recevoir de l’aide financière, notamment pour compenser les retards accumulés pour les chirurgies et autres interventions.

Il y a donc une volonté de dépenser actuellement, entre autres parce que la pandémie a mis en évidence des lacunes importantes dans nos systèmes de santé, ainsi que dans nos systèmes de soins de longue durée et dans l’économie des soins en général. Tout ceci explique cette propension à dépenser. Le gouvernement fédéral est conscient des lacunes dans les provinces et se montre un peu plus ouvert à cet égard.
D’un autre côté, certains croient qu’il est temps de commencer à réduire ces dépenses. Je soupçonne donc qu’Ottawa examinera désormais très attentivement les dépenses. D’un point de vue pragmatique, si l’on examine les recommandations de proposition, on a déjà mentionné l’idée de rentabilité. J’aimerais aller un peu plus loin. Ce n’est pas seulement une question de la rentabilité, des intrants ou des montants visés par une proposition, mais surtout des résultats. C’est-à-dire non pas en termes de lits d’hôpitaux ou du nombre d’interventions, mais de retombées sociales. Je sais que mesurer les résultats plutôt que les intrants dépasse ce que fait souvent le gouvernement fédéral, mais je crois que c’est dans cette direction que le système doit aller et j’espère que les propositions qui illustrent les retombées des investissements seront davantage mises de l’avant.

En outre, je crois qu’il faut mettre l’accent sur les failles du système et se demander comment les fonds supplémentaires aideront à combler les lacunes ciblées au cours des 20 derniers mois.

Enfin, il faut garder à l’esprit qu’Ottawa gère un système composé de plusieurs systèmes de santé à l’échelle du pays. Il faut donc aussi examiner les idées et les propositions qui sont adaptables à grande échelle. La demande peut donc ne concerner qu’une zone géographique ou une discipline spécifique, mais Ottawa est généralement à la recherche d’idées qui peuvent être transposées efficacement à d’autres régions.
Ce ne sont là que quelques considérations pratiques à la lumière de ce que nous avons vécu au cours des 20 derniers mois.

Chris Kuchciak

Merci. Merci, Rebekah.

Je voudrais maintenant aborder la question du vieillissement de la population. C’est un sujet dont nous parlons depuis des années. C’est un facteur de coût qui était présent avant la pandémie et qui existera longtemps après.

Kim, je me tourne vers vous. La pandémie a mis en lumière les problèmes liés aux soins des aînés. Selon vous, comment les planificateurs du système de santé doivent-ils aborder cette question, notamment en ce qui concerne la recherche d’un équilibre entre les soins résidentiels de longue durée et les services à domicile?

Kim McGrail

Merci, Chris. Je suis ravie d’avoir l’occasion d’être ici aujourd’hui. D’abord, j’aime la façon dont vous avez formulé la question, car si note attention durant la pandémie demeure axée sur les soins de longue durée, nous devons envisager l’ensemble du continuum des soins, y compris les services à domicile, les autres services communautaires, les habitations collectives ainsi que les soins de longue durée.

Mon premier point, et c’est sans doute le plus important, est qu’il faut absolument accroître les investissements dans ce secteur de notre système de santé. C’est peut-être l’une des lacunes que Rebekah pointait du doigt. Cela ne signifie pas que les dépenses de santé globales doivent augmenter, mais il faudrait au moins envisager une certaine réaffectation. Il y a peut-être des gains d’efficacité à réaliser dans d’autres parties du système. Si nous pouvons nous mettre d’accord sur ce point, il reste à établir comment optimiser cet investissement.

On pourrait aborder la question en réaffirmant ou en modifiant les valeurs qui sous-tendent nos systèmes de santé, en particulier celles qui concernent ce secteur, qui se situe à l’intersection des soins de santé et des services sociaux. En outre, certaines questions méritent d’être posées, par exemple : qu’est-ce qui doit être financé publiquement, comment ce type de financement se compare-t-il aux autres, à qui s’adresse les services et où doivent-ils être fournis? Je suis persuadée qu’il y a beaucoup d’autres questions, mais celles-ci se rapportent aux décisions normatives ou fondées sur les valeurs qui doivent être prises. Idéalement, ces décisions seraient prises avec la participation du public.

Il ne fait pas de doute que nous devons regarder au-delà des modèles actuels pour ce secteur du système de santé. Par exemple, une bonne partie de l’infrastructure existante des soins de longue durée est désuète. Elle utilise des chambres partagées et est basée sur un modèle de placement en établissement. Nous utilisons donc la même approche pour des personnes ayant des besoins très différents, et c’est quelque chose qui mérite d’être repensé.

Ainsi, nous utilisons le même modèle institutionnel pour les personnes atteintes de déficiences physiques importantes ou de problèmes de santé complexes que pour les personnes souffrant de démence avancée, mais qui, par ailleurs, peuvent être en bonne santé. Il n’est pas du tout évident que ces personnes aient besoin du même type de soutien ou de service, ni même qu’elles se sentent bien dans des espaces partagés.

Plus important encore, ces personnes, et c’est aussi l’avis de leur famille, préfèrent rester dans la communauté aussi longtemps que possible, ce qui signifie qu’elles ont besoin de divers types de soins, qu’il s’agisse de services à domicile ou de milieux de vie collectifs.

Et je peux illustrer la situation en utilisant l’exemple de la Colombie-Britannique. Je reconnais qu’il y a de grandes variations entre les provinces et les territoires sur le plan de la formation et des politiques pour ce volet précis du système de soins de santé.

Cependant, en Colombie-Britannique, le nombre de personnes âgées a presque doublé entre 2001 et 2021, donc au cours des 20 dernières années. La province est passée d’environ 500 000 personnes de plus de 65  ans à environ un million. Et pendant ce temps, le nombre de lits de soins de longue durée a augmenté d’environ 3 000, passant de 25 000 à 28 000. Si on fait le calcul, cela signifie qu’il y a actuellement 60 % moins de lits de soins de longue durée financés par le gouvernement qu’il y a 20 ans.

Il est possible qu’une partie de ces lits soit compensée par d’autres formes de soins, mais dans l’ensemble, je pense qu’il s’agit d’un transfert de coûts implicite, et non d’une réponse à une discussion sur nos valeurs et sur ce que nous voulons vraiment pour ce secteur du système de soins de santé.

La COVID-19 et l’attention accordée aux soins de longue durée ont eu un effet plutôt invisible sur les personnes fragiles, qui ont été laissées à elles-mêmes dans la collectivité et qui ont perdu l’accès à beaucoup de services et de contacts sociaux en raison des fermetures.
En fin de compte, il s’agit de transformer le système pour qu’il soit centré sur le patient et la famille dans l’objectif de fournir des soins et des services sociaux qui contribueront à une meilleure santé.

À vous, Chris.

Chris Kuchciak

Merci, Kim. Sur ce dernier point, j’aimerais m’adresser à Rebekah. Kim affirme que l’objectif est d’améliorer la santé et les soins de santé. Qu’en pensez-vous? De quels autres facteurs de l’économie canadienne devrions-nous tenir compte?

Rebekah Young

Je pense que Kim soulève beaucoup d’excellents points, mais en particulier la nécessité d’un dialogue dans la mesure où certaines décisions normatives ou fondées sur les valeurs doivent être prises collectivement. Une façon de voir les choses est que nous sommes tous des contribuables et des patients au sein du système. Nous avons un contrat social avec notre gouvernement selon lequel, en échange de l’argent de nos impôts, nous attendons certains services de santé ou d’éducation. Il doit donc y avoir un dialogue sur nos attentes envers la manière dont l’argent des contribuables est dépensé.

Si l’on songe aux répercussions de certains changements, tant sur le plan de la pression exercée sur nos systèmes de santé que sur notre assiette fiscale, je pense que ce type de dialogue est vraiment nécessaire.

D’abord, on observe un vieillissement démographique généralisé au pays, et encore plus dans certaines régions, y compris dans l’est où je me trouve en ce moment, ce qui entraînera des dépenses supplémentaires pour les gouvernements. Parallèlement, les aînés quittent le marché du travail et paient moins d’impôts, ce qui signifie moins d’argent pour améliorer le niveau de service.

Heureusement, la population canadienne est en pleine croissance, en grande partie grâce à l’immigration. Ainsi, nous accueillons de nouveaux arrivants plus jeunes qui paient des impôts, mais qui augmentent aussi la pression sur les systèmes. Je réitère donc l’importance d’un dialogue, car plusieurs des changements structurels qui sont mis en place pourraient exacerber la pression sur les coûts et la base d’imposition en l’absence d’un consensus sur ce que nous attendons du système et sur les résultats souhaités.

Kim a aussi parlé du fait qu’il n’existe pas de solution universelle. J’aime l’idée d’une approche centrée sur la personne ou le patient, et le fait que les solutions vont varier non seulement en fonction de la géographie et du foyer, mais aussi de chaque étape de la vie de la personne. Comment, donc, concevoir un système national qui permet d’offrir des solutions évolutives en assurant une surveillance adéquate et un financement efficace et en mettant l’accent sur les résultats?

Je pense qu’il est vraiment le temps d’avoir ce type de discussions.

Chris Kuchciak

Oui. Et je pense que ce que tu dis, Rebekah, c’est que nous sommes tous des patients et des contribuables. Je pense que c’est un bon rappel, en tout cas pour moi.

J’en profite aussi pour rappeler aux auditeurs qu’ils peuvent poser des questions. Nous y répondrons à la fin de cette discussion. Posez vos questions dans la section prévue à cet effet.

Revenons maintenant à un sujet abordé au début de notre discussion, qui porte sur l’économie des soins et des services de soins de santé fournis par la main-d’œuvre.

Livio, je m’adresse à vous. La main-d’œuvre en santé est l’un des principaux facteurs de coût du système de santé canadien. Quelles sont les tendances dont les planificateurs du système de santé doivent tenir compte?

Livio Di Matteo

C’est une très bonne question, Chris. Il y a une pénurie de professionnels de la santé, notamment des médecins, des infirmières et des préposés aux services de soutien à la personne. C’était le cas avant la pandémie, et ce l’est encore davantage maintenant. Ceci est un peu paradoxal, car nous dépensons beaucoup pour la santé, mais il y a des pénuries continuelles, des listes d’attente, etc.

Comment expliquer ce phénomène? De manière spontanée je dirais qu’il a moins de professionnels de la santé par habitant dans notre système de soins que dans d’autres. Nous les payons beaucoup et nous les surmenons.

D’une part, nous avons un nombre de médecins et de lits d’hôpital bien inférieur à celui des autres pays. D’autre part, nos ressources sont exploitées de manière très intensive. Il faut savoir que nos consultations médicales par habitant sont très au-dessus de la moyenne. Cela peut avoir un effet pervers en contribuant aux pénuries, car cette manière de gérer un système risque d’entraîner beaucoup d’épuisement parmi le personnel et les médecins. C’est peut-être une partie du problème et un élément dont il faut tenir compte.

L’autre question se rapporte aux pénuries elles-mêmes. Le nombre de médecins pour 100 000 habitants au Canada est resté relativement stable depuis les années 1980 jusqu’à la fin des années 1990 ou le début des années 2000. Mais depuis, il a augmenté d’environ 25 %. Paradoxalement, le nombre de Canadiens sans médecin de famille demeure au même niveau qu’au début des années 2000, soit 14 % à 15 %. Nous avons donc plus de médecin, mais ils prennent moins de patients, car ils recherchent un meilleur équilibre travail-vie personnelle. Alors, comment concilier cela avec la rémunération nécessaire pour attirer les gens dans le secteur, qu’il s’agisse d’infirmières, de préposés aux services de soutien à la personne ou de médecins? Nous déployons beaucoup d’effort pour essayer de régler ce problème.

Au final, le vieillissement de la population touche aussi ces professions. Les ressources et la main-d’œuvre en santé vieillissent au même titre que le reste de la population. Alors, comment planifier la relève? Faut-il accroître l’immigration de professionnels étrangers dans notre système? Faut-il améliorer la formation? Comment faut-il planifier l’avenir? Les planificateurs ont un rôle important à jouer, mais ils doivent être prudents. On dit que les généraux préparent toujours la dernière guerre. Or, les planificateurs doivent regarder plus loin que la dernière pandémie ou la dernière crise sanitaire.

Prenez le secteur des soins de longue durée, par exemple. De nombreux projets d’investissement visent actuellement la hausse des lits et des ressources pour les soins de longue durée, mais je crois qu’il faut y réfléchir attentivement. La pandémie nous a permis de voir ce qui se passe dans ces établissements, et plusieurs comptent les éviter d’une manière ou d’une autre. Croyez-moi, il existe des solutions créatives.

Nous risquons donc de surinvestir dans ce secteur. Pensons à ce qui s’est passé en éducation dans les années 1960 et 1970. Les gens ont augmenté la capacité des écoles en pensant que le baby-boom allait durer éternellement, alors que nous avons connu des fermetures d’écoles dans les années 1990 et 2000. Il faut éviter de répéter ce genre d’erreur. Il faut peut-être mettre l’accent sur les soins à domicile et les options plus flexibles qui permettent aux gens de rester chez eux plus longtemps. Bien sûr, cela aura une incidence sur le type de personnel à embaucher et sur la planification.

Il y a beaucoup de choses à prendre en compte. Il est important de planifier pour accroître les ressources humaines, mais je ne pense pas qu’il y aura de solution unique à cet égard, comme nous l’avons mentionné plus tôt.

Chris Kuchciak

Dee-Jay, vous avez parlé de la main-d’œuvre au début de notre discussion. Pouvez-vous nous expliquer comment l’Alberta fait face aux difficultés dans ce domaine? Quelles sont les problématiques qui entrent en jeu?

Dee-Jay King

Bien sûr. Comme Livio vient de le mentionner, plusieurs enjeux touchent la main-d’œuvre. J’ai déjà parlé de la capacité à éliminer les avantages et les incitatifs mis en place, et je pense que cela fait directement écho à ce que Livio essayait d’expliquer.

Au début de la pandémie, l’Alberta, et le reste du Canada d’ailleurs, a soulevé un problème dans certains établissements de soins de longue durée en lien avec les préposés aux services de soutien à la personne. En Alberta, nous les appelons des aides-soignants. Ils sont au bas de l’échelle salariale, mais sont pourtant sur la ligne de front pour combattre la pandémie de COVID-19, car ce sont eux qui effectuent une grande partie du travail auprès des patients. D’autres dispensateurs participent à l’effort, mais les aides-soignants, dans notre cas, font la majeure partie du travail. La pandémie ayant fortement touché leur environnement de travail, ils ont été particulièrement exposés à la COVID-19. Les rumeurs circulaient à savoir si les gens allaient continuer à travailler dans ces milieux en risque du risque d’exposition et ainsi de suite.

Ainsi, au début de la pandémie, l’Alberta a fourni une prime de 2 $ aux personnes travaillant dans les établissements de soins de longue durée. Nous avons jugé nécessaire d’offrir cette prime pour encourager les gens à continuer de travailler malgré la pandémie. Mais du point de vue budgétaire, cette mesure a été approuvée comme solution temporaire. Cependant, la pandémie se poursuit et de nouveaux variants sont découverts régulièrement. Ce qui se dégage de cela, c’est l’importance des primes, de la rémunération ou d’une reconnaissance quelconque de l’environnement de travail. Les provinces font un effort dans ce sens pour inciter les gens à rester le domaine des soins de santé, car ce sont des milieux de travail difficiles, dans certains cas.

Mais du côté des coûts et des dépenses, ces mesures ont tendance à rester, comme je le disais plus tôt. Lorsque l’Alberta a décidé d’offrir une prime de 2 $ aux dispensateurs et au personnel, il était très clair que celle-ci disparaîtrait après la pandémie.

Je ne sais pas quand cette décision sera prise ni qui la prendra, mais tout porte à croire que c’est pour bientôt. Comme l’ont mentionné les autres invités, nous commençons à constater une pénurie générale de main-d’œuvre en santé, surtout pour les personnes au bas de l’échelle salariale. Elles trouvent d’autres occasions d’emploi ou n’entrent tout simplement pas dans le système, parallèlement à la montée en flèche de l’inflation en raison de la pandémie. Ces deux éléments font en sorte qu’il sera difficile pour les gouvernements d’éliminer la totalité ou une partie de l’incitatif.
Si l’on prend cet exemple et qu’on l’applique à l’ensemble des mesures prises en réponse à la pandémie, dans le cas de l’Alberta on parle d’investissements de plusieurs centaines de millions de dollars dans une main-d’œuvre relativement inélastique pour répondre à un besoin précis. Ceci a pour effet de faire grimper les salaires et les primes au sein du système.

Il faudra suivre l’évolution de la situation. Il reste à savoir dans quelle mesure les gouvernements parviendront à retirer ces mesures incitatives après la pandémie. C’est, je crois, ce que la plupart d’entre nous espèrent.

Le défi à long terme du système de soins de santé sera de retenir le personnel, ce qui était l’objectif de la prime de 2 $, et d’attirer des jeunes dans le secteur. Cela découle de l’offre et de la demande, de l’argent et de la culture, en fait. Nous verrons comment évoluera la situation.

Chris?

Chris Kuchciak

Merci. Parlons maintenant de l’avenir et des occasions à venir. Pendant la pandémie, nous avons constaté une augmentation de l’utilisation de la technologie, par exemple des soins virtuels.

Kim, compte tenu de tout ce dont nous avons discuté aujourd’hui et de la transition vers les soins virtuels pendant la pandémie, comment le secteur de la santé évoluera-t-il?

Kim McGrail

C’est une excellente question et un enjeu intéressant et important. Je dirais que dans le cas des soins primaires, le passage très rapide et vraiment complet aux soins virtuels pendant la première partie du confinement a été à la fois formidable et décevant. Formidable dans la mesure où cela prouve que lorsqu’il y a une volonté, les choses évoluent rapidement. Et décevant dans la mesure où on n’aurait pas dû attendre une pandémie pour apporter ces changements. Il est clair que le passage au virtuel nous a permis d’étendre la portée des services de santé plus que jamais auparavant.

Encore une fois, je pense qu’il s’agit vraiment de transformer le système pour qu’il soit centré sur la personne. J’entends par là des soins virtuels dans leur sens le plus large. Les soins virtuels permettent aux infirmières et aux dispensateurs de soins de fournir des services spécialisés aux populations des régions rurales, ce qui permet d’élargir la portée des services et d’éviter des déplacements aux patients et aux familles.  

En outre, la technologie permet aux patients de recevoir des soins primaires qui ne nécessitent pas de visite en personne avec un dispensateur. Par exemple un renouvellement d’ordonnance ou une simple question. Dans certains cas, les patients seront invités à se rendre sur place, mais en général, les soins virtuels permettent de gagner du temps, évitent les frais de déplacement et de garde d’enfants et évitent de s’absenter du travail.
Il ne fait aucun doute que les soins virtuels ne peuvent pas remplacer les soins en personne. Je ne pense pas que quiconque aille dans ce sens. D’un autre côté, il serait déraisonnable à ce stade-ci de revenir à l’ancien système. Si les soins virtuels sont appelés à durer, il faut mettre en place les politiques et la technologie nécessaire.

Sur le plan politique, je pense qu’il faut reconnaître et appuyer l’idée qu’il s’agit d’un autre moyen légitime de fournir des soins aux patients. Cela implique un remboursement pour ces services dans un cadre de rémunération à l’acte ou une allocation pour le temps nécessaire dans un cadre non rémunéré à l’acte.

Bien sûr, ce n’est pas l’un ou l’autre. Il est nécessaire d’avoir des interactions en personne et virtuelles entre les dispensateurs et le public. Il faut s’assurer que les bons soins soient dispensés au bon endroit et au bon moment, le virtuel étant un des moyens possibles. Les politiques doivent donc appuyer cette démarche et veiller à ce que les soins soient adéquats.

En ce qui concerne la technologie, les recherches existantes montrent clairement que la manière dont vous mettez en œuvre ces technologies virtuelles dans le système est déterminante pour leur adoption et leur utilisation. Par exemple, dans le contexte des soins primaires, il est vraiment important d’intégrer les options de soins virtuels dans le dossier médical électronique pour avoir facilement accès à la documentation et aux conversations sans passer par un autre système. Il faudrait aussi fournir du soutien ou une formation sur l’utilisation des plateformes virtuelles.
Tout cela est à notre disposition, mais nous devons nous assurer que l’environnement politique et technologique soutient, comme je l’ai dit, quelque chose qui, je l’espère, est là pour rester comme une partie permanente du modèle de prestation des soins de santé.

Chris Kuchciak

D’accord. Merci, Kim.

Revenons à vous, Rebekah. Kim dresse un portrait très optimiste de l’avenir des soins de santé. De quoi les planificateurs doivent-ils tenir compte pour financer cet avenir?

Kim McGrail

Je suis entièrement en accord. Nous avons en quelque sorte avancé de quelques décennies grâce aux soins de santé virtuels pendant la pandémie. Tout comme Kim, je crois qu’il est quelque peu décevant d’avoir attendu une pandémie pour y arriver. Comment pouvons-nous tirer parti des leçons apprises? Comment privilégier les pratiques exemplaires et laisser de côté les éléments qui ont moins bien réussi?

Je tiens à souligner qu’à court terme, nous ne savons toujours pas quel sera le coût des soins de santé découlant de la pandémie. Comme je l’ai mentionné, plusieurs provinces ayant dressé le bilan financier de la dernière année ont constaté des économies dans le domaine des soins de santé. Ceci s’explique en partie par les subventions du gouvernement fédéral, mais aussi par le report de certaines interventions et l’annulation d’une bonne partie des consultations en personne durant l’année. Dans quelle mesure le budget non dépensé l’an dernier est-il attribuable aux soins qui n’ont pas pu être fournis virtuellement et qui ont été reportés?

Je pense que nous ne sommes pas encore sortis du bois en termes de demande pour les soins de santé dans le contexte de la pandémie. Et quelle sera la structure des coûts? La tarification reflète-t-elle ce changement? Des consultations en personne qui prenaient 30 minutes se font maintenant en 5 ou 10 minutes par téléphone. Je pense donc qu’il faudra surveiller les coûts réels au cours des deux prochaines années.
Je crois que nous devons regarder plus loin que le court terme et miser sur la technologie porteuse de changement pour modifier la courbe du coût des soins de santé et viser de meilleurs résultats à coût moindre. Nous avons eu l’occasion unique de pouvoir mettre à l’essai en direct les soins de santé virtuels.

Si la hausse des coûts et la diminution de l’assiette fiscale se poursuivent, les décideurs pourront s’inspirer des leçons apprises lors de la pandémie pour élaborer leurs budgets.

En effet, à l’avenir, je crois que le gouvernement devrait examiner dans quelle mesure les demandes de subventions mettent à profit ces leçons. Comment, donc, pouvons-nous bâtir un meilleur système avec moins d’intrants en nous basant sur notre expérience des soins virtuels au cours des 20 derniers mois?

Chris Kuchciak

C’est donc le moment de passer aux questions des auditeurs. Commençons par Livio, et Dee-Jay, vous pourrez intervenir ensuite.
Un de nos auditeurs dit ceci. Si on tient compte de la rareté des ressources humaines de la santé et de la transférabilité de leurs compétences et de leurs accréditations au Canada, est-il possible que les salaires ou des coûts de la main-d’œuvre augmentent sus l’effet d’une concurrence entre les provinces? Ou même au sein des établissements dans une même province?

Commençons par Livio. Dee-Jay, vous pourrez intervenir si vous avez quelque chose à ajouter.

Livio Di Matteo

C’est une bonne question. C’est en fait une question de fédéralisme. Le fédéralisme est à la fois la plus grande force et la plus grande faiblesse du Canada. D’une part, je pense que c’est une très bonne chose que les systèmes de santé provinciaux se fassent concurrence, innovent et proposent de nouvelles idées qui peuvent ensuite être partagées. D’un autre côté, une meilleure coordination serait avantageuse, mais ce n’est pas toujours évident au sein de systèmes concurrents.

Dans le cas d’une pénurie de main-d’œuvre et de ressources, la solution la plus constructive est de faire en sorte que les provinces coopèrent pour augmenter l’offre, que ce soit en augmentant l’immigration, la formation ou le recrutement. Essayer de restreindre la concurrence aurait pour effet de réduire la mobilité des professionnels. Je pense qu’à court terme, vous pourriez en tirer quelques avantages, mais à long terme, cela incitera les professionnels hautement qualifiés à saisir des occasions de travailler à l’étranger.

Ce que je veux dire, c’est que les provinces pourraient collaborer sur des initiatives pour augmenter l’offre, mais ne me demandez pas comment faire, je n’ai jamais dirigé de ministère de la Santé. Toutefois, s’il y avait un moyen de travailler ensemble sur ce point, je pense que ce serait l’idéal. Mais il faut faire attention. Il faut éviter de restreindre les occasions des professionnels de la santé au point où ils seraient tentés de partir.

Chris Kuchciak

Oui. Dee-Jay, vous dirigez un ministère de la Santé, vous travaillez dans la politique. Avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet?

Dee-Jay King

Je suis tout à fait d’accord. L’offre représente une grande part de l’enjeu, et nous sommes absolument en concurrence tant au niveau provincial qu’interprovincial, et pas seulement sur le plan de la pénurie des ressources. Ce n’est pas seulement une question d’argent, c’est aussi une question d’environnement de travail.

Prenons un exemple survenu au milieu des années 1990. Beaucoup de médecins ont choisi d’aller travailler dans d’autres régions, particulièrement en Colombie-Britannique. Ce n’était pas une question d’argent, car les salaires étaient plus élevés ici, mais bien pour la qualité de vie et d’autres facteurs qui nous échappent encore. Tous ces éléments font partie de l’équation de l’offre et je pense que nous devons en tenir compte.

Nous devons nous interroger sur ce qui attire les gens vers certains secteurs, sur les facteurs qui influent sur l’offre et la demande et sur nos besoins réels sur le plan de l’offre.

Chris Kuchciak

D’accord. Nous avons le temps pour une dernière question des auditeurs. Kim, je me tourne vers vous parce que vous avez abordé la question des soins de santé primaires. La question est celle-ci : à l’avenir, comment pourrions-nous combler les lacunes du système grâce à diverses disciplines et champ d’exercices, par exemple des adjoints médicaux et les travailleurs sociaux? Comment pouvons-nous contribuer à combler les principales lacunes du système à cet égard?

Kim McGrail

Oui. C’est une question vraiment intéressante du point de vue des besoins de la communauté, mais aussi de la disponibilité des ressources humaines en matière de santé. Il se passe des choses vraiment intéressantes à cet égard. La Nouvelle-Écosse, par exemple, a tenté d’élargir ses services paramédicaux communautaires grâce à des ambulanciers paramédicaux formés pour offrir des soins primaires, au moins en termes de triage, en fournissant des soins sur place plutôt que de se limiter à les transporter ailleurs.

Ce modèle est très prometteur. Il faut le voir dans une optique centrée sur le patient, en examinant comment les divers champs d’exercices peuvent contribuer à améliorer les soins hors des établissements, que ce soit en écourtant le séjour des patients à l’hôpital, en évitant leur admission, ou en permettant aux gens de rester dans la communauté plutôt que d’aller vers un établissement de soins de longue durée.
Il y a beaucoup d’occasions à saisir sur ce plan. Je suis d’accord avec Bob Evans, économiste de la santé, qui parlait d’abondance dans les soins de santé, en référence au nombre et à la diversité des dispensateurs et des compétences dans le système de soins de santé. Nous devons donc planifier soigneusement la manière dont nous introduisons de nouveaux éléments, et sur les conséquences sur l’offre et la demande pour d’autres types de ressources humaines dans le domaine de la santé.

Chris Kuchciak

Oui. Avant de conclure, j’aimerais faire une table ronde avec tous nos experts. Terminons la séance en faisant un tour de table et en partageant vos dernières observations avec les auditeurs.

Livio, commençons par vous. Avez-vous un dernier point à partager avec notre public?

Livio Di Matteo

L’économie est un champ très vaste, et il est difficile de tout résumer en un point, si ce n’est qu’il se passe énormément de choses à cet égard. Il y a beaucoup d’incertitudes, beaucoup de changements et, dans une large mesure, je pense que les décideurs font du mieux qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont.

Au bout du compte, il faudra prendre des décisions concernant les dépenses de santé et l’affectation des ressources en se basant sur les meilleurs renseignements disponibles. Et si les décisions s’avèrent bonnes, tant mieux.

Ce n’est probablement pas la conclusion la plus rassurante, mais je ne pense pas qu’il y ait de réponse facile. Mais il ne faut pas baisser les bras. Comme je l’ai dit, il faut faire le mieux possible avec les moyens à notre disposition.

Chris Kuchciak

Excellent. Rebekah, je vais peut-être vous passer la parole ensuite. Une dernière réflexion?

Rebekah Young

Oui. J’aimerais ajouter que j’ai moi-même beaucoup appris au sein du groupe d’experts, et l’un des éléments que je retiens d’un point de vue économique est que nos modèles ne tiennent peut-être pas compte de toutes les données essentielles. Par exemple, ils ne font pas état de la valeur d’une société saine, et donc nous ne valorisons pas les mesures proactives. Nous attendons donc toujours que le patient soit malade jusqu’à ce qu’il ne soit plus capable de vivre seul. D’une certaine façon, nous réagissons toujours trop tard. Comment créer un système qui valorise vraiment les soins de santé ou l’approche proactive?

De même, comment disposer d’un système flexible qui permet l’innovation? Alors, comment faire pour que des centaines et des milliers de petites idées jaillissent? Kim et beaucoup d’entre nous ont fourni des exemples précis. Comment encourager ces idées et faire en sorte que les meilleures émergent pour qu’elles puissent se propager dans d’autres collectivités? Nous apprenons grâce aux autres et nous faisons preuve de tolérance pour les idées qui sont mises à l’essai et qui nous permettent d’enrichir nos connaissances. Ces idées ne sont pas nécessairement fructueuses, mais nous ne devrions pas bannir ou punir les échecs. Nous devrions en fait apprendre de nos erreurs. Alors, comment créer ce système d’innovation?

Enfin, le dernier point concerne de nouveau l’économie. Il s’agit de savoir si nous évaluons correctement l’économie des soins. Nous avons mentionné les pénuries de main-d’œuvre qui touchent, en particulier, les travailleurs de première ligne du système de santé et les préposés aux services de soutien des établissements de soins de longue durée. Les salaires consentis valorisent-ils vraiment leur travail?

Voici donc quelques réflexions qui me sont venues à l’esprit au cours de notre discussion d’aujourd’hui.

Chris Kuchciak

Dee-Jay, je vous laisse la parole. Quels sont les derniers points à retenir?

Dee-Jay King

Bien sûr. Je pense que nous avons pu entendre aujourd’hui de très bonnes réflexions sur les occasions et les défis qui se présentent dans le domaine des soins de santé. Je voudrais terminer sur une note positive, car je pense que des personnes formidables œuvrent dans le secteur des soins de santé en surveillant et en analysant le système en permanence. Et je soupçonne qu’un grand nombre de ces personnes qui nous regardent aujourd’hui travaillent dans ce secteur où elles fournissent des données probantes aux décideurs, font partie de petites entreprises, sont des consultants ou travaillent dans le secteur privé.

Je pense donc que ma conclusion est la suivante : veillons à fournir de bonnes données probantes et des idées innovantes et efficaces aux décideurs afin de maximiser les résultats que nous obtenons avec l’argent que nous dépensons. Ce sujet a été abordé à maintes reprises aujourd’hui.

Chris Kuchciak

Oui, absolument. Kim, vous avez le dernier mot. Quelles sont vos dernières observations?

Kim McGrail

Oui. Merci de votre intervention. Je commencerai par dire que je suis vraiment d’accord avec ce que les autres membres du groupe d’experts ont dit. Je me contenterai de souligner quelques éléments supplémentaires. Et j’aimerais revenir sur un point abordé par Livio. Je pense que nous pouvons nous attendre à de constants changements. Nous devons donc vraiment réfléchir à la manière de créer un système de santé apprenant pour aborder ce processus de changement en douceur plutôt que brusquement quand les choses se transforment soudainement complètement.

À mon avis, un autre thème est ressorti de la discussion d’aujourd’hui. En effet, la solution universelle n’existe pas. Il est donc avantageux de varier les pratiques, selon les régions ou les personnes, tant que nous pouvons en tirer des leçons, ce qui nous ramène à cette notion de système de santé apprenant.

Je suis d’accord avec le fait que nous avons besoin de prendre des décisions éclairées. Pour ce faire, nous avons besoin de données probantes pour éclairer notre prise de décision. Je voudrais juste ajouter qu’à mon avis, nous devons faire preuve d’inclusion dans nos prises de décision. Je pense que nous avons vraiment besoin de nombreux points de vue différents et d’intervenants mobilisés parce qu’il y a différentes façons d’aborder les problèmes et les solutions. Et Chris, si nous voulons aborder les questions que vous avez soulevées au début, soit les questions d’équité et d’accès et de résultats que nous examinions déjà avant la pandémie, alors nous allons avoir besoin de cette pratique inclusive au sortir de la pandémie.

Chris Kuchciak

Pour conclure, je pense que nous allons vous donner accès à un sondage sur votre écran destiné aux auditeurs de la séance. Nous voulons juste avoir votre avis sur certaines des informations que vous utiliserez.

Sur ce, je tiens à remercier notre groupe d’experts pour ses idées remarquables. Je remercie également nos auditeurs. Nous n’avons pas pu répondre à toutes vos questions, mais je tiens à vous remercier de votre présence ici aujourd’hui.

L’enregistrement de cette séance sera accessible dans les prochains jours. Merci d’en informer vos collègues qui n’ont pas pu venir aujourd’hui.
Si vous souhaitez en savoir plus sur ce sujet ou d’autres thématiques, vous pouvez écouter le nouveau balado de l’ICIS offert sur Spotify, Apple et Google. Vous trouverez un formulaire d’évaluation dans le clavardage. Veuillez nous donner votre avis pour nous aider à améliorer ces séances. Si vous avez d’autres questions, vous pouvez toujours me joindre à notre adresse électronique, bddns@icis.ca.

N’hésitez pas à communiquer avec nous et passez une excellente fin de journée. Merci.

Livio Di Matteo

Merci.

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