Le financement des soins de santé au Canada — Jennifer Zelmer, Teri Price et Annamarie Fuchs

27 min | Publié le 18 juillet 2023

Le gouvernement fédéral a récemment conclu un accord de financement avec les provinces et territoires du Canada. Cet accord prévoit un investissement d’environ 46,2 milliards de dollars en nouveaux fonds sur 10 ans dans 4 domaines prioritaires : les services de santé familiale, les travailleurs de la santé et les arriérés, la santé mentale et l’utilisation de substances, ainsi que la modernisation des systèmes de santé.
Dans cet épisode du BISC, nous discutons de ce que cet accord signifie pour le Canadien moyen et du temps qu’il faudra avant de voir les effets de ce financement. Nos invitées sont Jennifer Zelmer, présidente-directrice générale d’Excellence en santé Canada; Annamarie Fuchs, ancienne infirmière autorisée et auteure du site Internet Partners in Health Conversations; et Teri Price, dont le frère est décédé tragiquement en 2012 en raison de la négligence du système de santé.

Cet épisode est disponible en anglais seulement.
 

 

Transcription

Avis Favaro

Le système de santé fragile du Canada a reçu un coup de pouce financier au début de 2023. Ottawa a bonifié de 46,2 milliards de dollars le montant des transferts aux provinces et aux territoires. Ce montant s’ajoute aux quelque 200 milliards de dollars qui seront consacrés à la santé au cours de la prochaine décennie.
Les nouveaux fonds sont destinés à aider un plus grand nombre de Canadiens à trouver un médecin de famille ou une infirmière praticienne, à renforcer les rangs des professionnels de la santé et à aider les personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie.
Mais ils s’accompagnent de conditions. Dans cet épisode, nous examinerons les changements que cet apport de fonds peut entraîner. Nous aurons le point de vue de 3 invités.
Jennifer Zelmer, présidente-directrice générale d’Excellence en santé Canada.

Jennifer Zelmer

Je pense que les ressources sont essentielles pour nous permettre de faire ce que nous avons à faire.

Avis Favaro

Nous nous entretiendrons aussi avec Annamarie Fuchs, infirmière et conseillère en soins de santé.

Annamarie Fuchs

Dans le système de santé, nous en avons assez d’attendre que l’argent soit utilisé pour produire un changement concret et durable.

Avis Favaro

L’une de ces conditions est la modernisation des dossiers médicaux et un partage accru des données sur la santé. Pour cela, nous discuterons avec Teri Price. Son frère Greg est mort à cause de cette importante lacune. Il avait 31 ans.

Teri Price

Nous pensions que l’information suivrait Greg, mais le système est conçu de telle sorte que l’information reste cloisonnée dans les différents organismes.

Avis Favaro

Bonjour et bienvenue au balado d’information sur la santé au Canada. Nous l’appelons CHIP, en anglais. Je suis Avis Favaro, et j’anime cette discussion.
Remarque : Les opinions exprimées ici ne reflètent pas nécessairement celles de l’ICIS, mais il s’agit d’une discussion libre et ouverte. Cet épisode porte sur la nouvelle offre de financement en matière de soins de santé. Les nouveaux fonds et l’obligation de rendre des comptes renforceront-ils vraiment notre système de santé?
Bienvenue à tous. Une partie de cette discussion consiste à tenter de déterminer en quoi les nouveaux fonds du gouvernement fédéral bénéficieront aux Canadiens. Qu’allons-nous obtenir grâce au nouveau financement?
Commençons par brosser un portrait d’ensemble, Jennifer. Nous savons que les provinces et les territoires ont réclamé plus d’argent pour les soins de santé, et ils obtiennent 46,2 milliards de dollars d’argent frais pour les 10 prochaines années. S’agit-il d’un montant important?

Jennifer Zelmer

C’est beaucoup d’argent sur cette période. Chaque province et territoire a défini ses priorités dans ce domaine. Les priorités varient donc un peu à l’échelle du pays, comme on peut s’y attendre. Nous ne sommes pas tous pareils. Nos besoins ne sont pas exactement les mêmes. Par conséquent, les domaines d’action privilégiés varieront un peu selon les régions par rapport à l’ensemble des priorités définies au pays.

Avis Favaro

Examinons les priorités auxquelles les provinces et territoires doivent s’attaquer selon Ottawa. La première concerne la médecine familiale, l’offre de soins primaires de base en milieu rural partout au pays. Pourquoi est-ce une priorité pour Ottawa?

Jennifer Zelmer

Je pense que les priorités ont été définies collectivement; non seulement par Ottawa, mais aussi par les provinces et territoires dans le cadre d’un ensemble global de priorités. Dans cet ensemble de priorités, chaque province et territoire a choisi les domaines sur lesquels son gouvernement se concentrerait.
Les services de santé familiale, par exemple, sont le premier endroit où les citoyens se rendent pour obtenir des soins. Pour certains, il s’agit d’un médecin de famille. Pour d’autres, il s’agit d’une équipe plus large, d’une infirmière praticienne ou d’une combinaison de personnes travaillant ensemble. Nous savons qu’il est très important d’avoir un premier point d’accès et de soins, quelqu’un qui vous connaît, vous et votre famille, et qui peut vous donner accès aux soins de qualité dont vous avez besoin.

Avis Favaro

Selon Healthy Debate, plus de 6,5 millions de Canadiens n’ont pas de dispensateur de soins primaires. La deuxième priorité est assez évidente : reconstituer la main-d’œuvre d’infirmières et de médecins.
Jennifer, quel est votre point de vue sur la pénurie et la façon dont elle évolue?

Jennifer Zelmer

Les personnes sont au cœur du système de santé, tant celles qui ont accès aux soins que celles qui le dispensent et les organisent. Cette situation n’est pas propre au Canada. Nous savons que le défi est le même partout dans le monde : s’assurer d’avoir assez de dispensateurs de soins pour répondre aux besoins et veiller à ce qu’ils soient bien soutenus dans leur travail.

Avis Favaro

Le troisième domaine prioritaire est la santé mentale et la toxicomanie. Chaque jour, nous entendons parler de décès, du nombre record de surdoses et des longs temps d’attente pour les services en santé mentale. Il s’agit donc d’une priorité évidente. Dans quelle mesure est-elle importante, Jennifer?

Jennifer Zelmer

C’est au cœur de notre mode de vie, n’est-ce pas? La santé physique et la santé mentale sont indissociables, elles vont de pair. Il est donc très important de reconnaître cette priorité. En fait, elle s’inscrit dans la continuité des travaux menés collectivement par les provinces et territoires ces dernières années. Mais comme vous l’avez dit, Avis, il s’agit surtout d’établir le profil et l’ordre de priorité du travail à accomplir.

Avis Favaro

La dernière priorité concerne les dossiers médicaux ou la modernisation des systèmes de santé. Nous en parlerons un peu plus longuement avec Teri. Mais dans l’ensemble, Jennifer, à quelle vitesse pensez-vous que cet accord et les fonds supplémentaires entraîneront des changements sur le terrain pour les Canadiens?

Jennifer Zelmer

Je pense que ce sont des domaines auxquels les gens travaillent déjà. De plus, il existe un accord complémentaire sur le vieillissement dans la dignité, qui porte sur la manière d’aider les gens à bien vieillir, de rapprocher les soins du domicile et de la communauté. Ce sont tous des domaines très importants. Par exemple, j’étais à Halifax la semaine dernière. Ils y travaillent déjà aujourd’hui.

Avis Favaro

Vous espérez donc que les résultats viendront rapidement. Je sais que beaucoup de gens attendent un médecin ou une infirmière praticienne.

Jennifer Zelmer

Oui. Je pense que nous espérons tous recevoir les soins dont nous avons besoin aujourd’hui et que ces soins seront excellents, tout en reconnaissant qu’il n’existe pas de baguette magique nous permettant de tout faire d’un coup, tout de suite. Il faut déployer des efforts soutenus, et je pense qu’il est utile d’avoir des accords à plus long terme comme celui-ci afin de nous concentrer sur la manière de bâtir les soins de santé dont nous aurons besoin, au lieu de penser uniquement aux besoins actuels.

Avis Favaro

Annamarie, vous avez travaillé en soins infirmiers. Vous parlez au personnel de première ligne. Vous êtes consultante. Que disent les médecins et les infirmières de première ligne à propos du nouvel accord?

Annamarie Fuchs

Ce que nous entendons et ce que j’entends, c’est un peu d’hésitation et d’incertitude. Cela peut être juste ou non pour le gouvernement, mais c’est vrai en première ligne, et pour un tas de raisons.
Les provinces et les cliniciens reconnaissent l’obligation d’utiliser les fonds à des fins précises. Mais au fil du temps, nous constatons que les fonds servent de plus en plus à renforcer les soins de santé à des endroits qui ne sont pas nécessairement prioritaires pour ceux qui ont travaillé et qui travaillent en première ligne.
Je suppose donc qu’il faut en fait se demander si les obligations et les domaines ciblés sont les bons. Qui décide? Les personnes qui, à mon avis, sont les vrais experts — par là j’entends les cliniciens en première ligne et les personnes qui jouent simultanément un rôle administratif et décisionnel, et elles sont nombreuses — sont-elles invitées à déterminer les bonnes priorités, non seulement pour le pays, mais aussi pour leur propre région?
Prenons par exemple la santé mentale et la toxicomanie : la manière dont chaque province et territoire décide de reconnaître cette priorité et d’y répondre peut varier grandement. Et c’est ce qui provoque de la frustration chez les cliniciens, à mon avis.
Les décisions sur la manière de procéder sont souvent mal communiquées ou mal acceptées dans les provinces et territoires. C’est ce que j’entends aujourd’hui et depuis environ 14 ans, soit depuis que je suis consultante.

Avis Favaro

Craignent-ils que l’argent soit utilisé ailleurs et non pour les soins de santé?

Annamarie Fuchs

Je dirais qu’il y a, comme vous le savez, une grande politisation des questions liées à l’utilisation des données sur la santé et aux soins de santé. Et la façon dont les soins de santé sont mis en place dans une province est souvent déterminée par les élections et ce genre de choses. Les cliniciens se demandent alors comment l’argent est utilisé, à quelles fins et à quel moment.

Avis Favaro

Que pensez-vous de l’injection de fonds? Quelle est la réaction?

Annamarie Fuchs

Toute injection d’argent est la bienvenue, surtout après trois ans de pandémie, mais l’argent, je suppose que c’est là que le bât blesse. Ce qu’il nous faut, et Jennifer y a également fait allusion, c’est une réponse plus immédiate à ces priorités, car nous, dans le système de santé, sommes fatigués d’attendre que l’argent soit utilisé pour produire un changement concret et durable.

Jennifer Zelmer

Je pense qu’il y a urgence en ce qui concerne les besoins de la population et une reconnaissance, comme l’a dit

Annamarie, que nous avons traversé une période exceptionnelle qui a exercé une pression énorme sur le système

et les soins de santé. Nous devons nous demander ce dont nous avons besoin aujourd’hui, certes, mais aussi comment nous pouvons aider les gens à l’avenir, compte tenu de notre situation actuelle.

Avis Favaro

Savez-vous si l’argent est conditionnel à ce qu’il soit dépensé dans les domaines prioritaires?

Jennifer Zelmer

Il existe certainement des ententes bilatérales qui régissent ce à quoi chaque province et territoire consacre ses ressources. De plus, l’ICIS et d’autres organismes ont mis en place des mécanismes de production de rapports. Les ressources sont donc encadrées par ce type de paramètres.

Avis Favaro

L’un des domaines prioritaires est la modernisation du système de santé. Je sais que beaucoup de Canadiens se demandent ce que cela signifie. Les Canadiens pensent que leurs dossiers de santé sont partagés, mais vous savez Teri que ce n’est pas toujours le cas. C’est ce qui est arrivé à votre frère Greg. Pouvez-vous résumer ce qui s’est passé lorsqu’il a commencé à présenter les symptômes de ce qui allait être diagnostiqué comme un cancer des testicules? Que s’est-il passé?

Teri Price

Nous faisions partie des personnes qui supposaient que le système de santé s’était modernisé au même rythme que d’autres secteurs qui nous étaient plus familiers. Dans le cas de Greg, on lui a finalement diagnostiqué un cancer des testicules, mais le diagnostic a été très lent, retardé pour toutes sortes de raisons. Il y a plusieurs moments dans sa prise en charge où le système n’a pas été à la hauteur. Il est en quelque sorte passé entre les mailles du filet et a perdu du temps, ce qui s’est révélé déterminant pour un traitement qui, somme toute, est très efficace. Le cancer des testicules est tout à fait traitable.

Avis Favaro

Votre famille et vous avez produit un film intitulé Falling Through the Cracks.

Teri Price

Oui. C’est après la mort de Greg que nous avons commencé à poser des questions. Nous avons fini par communiquer avec le Health Quality Council of Alberta, qui a fait enquête. L’enquêteur principal, le Dr Ward-Flemons, voulait pouvoir raconter l’histoire de Greg dans les cours qu’il donnait aux étudiants de premier cycle en médecine sur l’importance de la sécurité des patients et du travail d’équipe. Nous étions ravis que l’histoire de Greg puisse être utile, et nous avons pensé que ces conversations avec la prochaine génération de médecins seraient une façon d’y parvenir.
Nous avons organisé plus de 550 projections; ensemble ou séparément, mon père et moi avons participé à presque toutes les séances de discussion suivant le visionnement. Nous n’en avons manqué que quelques-unes.

Avis Favaro

L’un des éléments clés de l’histoire de Greg est que les médecins n’avaient pas de dossier médical à partager et à s’envoyer; une grande partie du matériel était transmise par télécopie. Les choses ont donc été bâclées parce que Greg n’avait pas son dossier médical.

Teri Price

Oui. Nous pensions que l’information suivrait Greg, mais le système est conçu de telle sorte que l’information reste cloisonnée dans les différents organismes selon les technologies de santé qu’ils choisissent d’utiliser. Greg a consulté plusieurs médecins et, en fait, chacun avait son propre dossier et il n’y avait aucun moyen de faire circuler l’information entre eux.
Greg, qui était pilote privé, a d’abord vu un médecin qui lui a fait passer son examen médical de pilote. Ils ont en quelque sorte signalé un symptôme. Greg a commencé à avoir mal au dos, il s’est rendu dans une autre clinique sans rendez-vous, et les résultats de cette visite se sont retrouvés dans un autre système d’information sur la santé. Le médecin de la clinique sans rendez-vous n’a vu aucun des symptômes enregistrés lors de la première consultation. Si ces 2 éléments d’information avaient été réunis, le lien avec le cancer des testicules aurait très probablement été établi beaucoup plus tôt que ce ne fut le cas.
Il est donc absolument essentiel que les renseignements circulent, et nous sommes convaincus que les progrès technologiques permettent d’y parvenir.

Avis Favaro

Lorsque vous avez appris qu’Ottawa avait fait de cette question une priorité, qu’en avez-vous pensé?

Teri Price

Cela aurait dû être une priorité depuis longtemps et beaucoup de gens y ont travaillé. J’ai l’impression que le vent tourne en ce moment. Plus il y aura de personnes — et de niveaux du système de santé — qui se concentreront sur cette question, mieux ce sera, car il s’agit d’un problème important.
Nous sommes convaincus qu’il faut pouvoir créer les conditions nécessaires à des soins sécuritaires et que la capacité à travailler en équipe fait partie de la capacité à dispenser des soins sécuritaires. Il n’est pas possible de travailler en équipe s’il n’y a pas de moyen de communiquer ou de partager des renseignements.

Avis Favaro

Cela aurait-il pu sauver la vie de Greg?

Teri Price

Je pense que oui. Tant que nous ne disposerons pas des mesures qui comptent vraiment ou des données qui peuvent nous aider à prendre les bonnes décisions, nous continuerons à douter des décisions qui sont prises et du fait qu’elles pourraient avoir une incidence positive sur le système et permettre de réaliser certaines des choses que nous voulons voir dans le système de soins de santé de demain.

Avis Favaro

Alors, Annamarie, qu’en pensez-vous?

Annamarie Fuchs

Lorsque Teri parle de cloisonnement, il est question de la législation et des politiques qui influent sur le modèle de garde des données. J’entends par là que des groupes de médecins ou des cliniques conservent des données parce qu’ils s’attendent à ce que la vie privée ne puisse pas être protégée autrement. Ils sont donc hésitants à partager les données.
En conséquence, pour des personnes comme le frère de Teri, les renseignements n’ont pas suivi, et dans de nombreux cas, ils ne sont tout simplement pas allés là où ils auraient dû.
Ainsi, lorsque nous revenons en arrière et examinons les problèmes d’information, nous devons nous pencher sur les lois, y compris celles relatives à la protection de la vie privée, et diffuser certaines d’entre elles ou du moins clarifier les attentes envers les dépositaires concernant l’utilisation, la collecte et le partage appropriés des données en tant que moyen d’améliorer les soins aux patients.

Avis Favaro

Jennifer, il semble donc qu’il s’agisse également d’une question urgente puisque le cloisonnement de l’information met des vies en danger.

Jennifer Zelmer

Absolument. Si l’information nécessaire est disponible au moment où les décisions doivent être prises — disponible pour vous en tant que personne, comme l’a dit Teri, pour votre famille et pour l’ensemble de votre équipe de soins — alors vous obtiendrez les meilleurs soins.
Je pense que nous l’avons bien constaté pendant la pandémie. Et je pense que la nouvelle feuille de route sur l’interopérabilité qui vient d’être annoncée vise à trouver une façon de s’assurer que nous n’avons pas seulement accès à des parcelles d’information séparées les unes des autres, comme l’a fait remarqué Teri, par exemple aux renseignements que détient l’hôpital, la clinique ou autre, mais que nous bénéficions plutôt d’un accès intégré à l’information. C’est vraiment de cela qu’il s’agit.

Avis Favaro

L’un des autres points intéressants de cet accord est qu’il est assorti d’une condition qui permet à Ottawa de dire : « Nous vous donnerons l’argent, mais nous voulons des données en retour. » Pourquoi est-ce important, Jennifer?

Jennifer Zelmer

Les données nous aident à comprendre la situation actuelle et ce qui fonctionne bien, afin que nous puissions le partager avec d’autres et en tirer des enseignements, ainsi que les domaines dans lesquels nous avons du travail à faire.
Et l’une des choses que je trouve intéressantes, c’est qu’à ma connaissance, personne au pays et ailleurs dans le monde n’a réussi à tout comprendre, n’est-ce pas? Nous avons tous des choses à apprendre des autres, des choses à partager. Les données nous aident à identifier ces choses afin de pouvoir mesurer nos progrès vers les objectifs que nous voulons atteindre et de pouvoir comprendre de qui nous pouvons apprendre et comment progresser plus rapidement.

Avis Favaro

Savez-vous quel type de données le gouvernement fédéral souhaite obtenir que les provinces et territoires ne lui fournissent pas déjà?

Jennifer Zelmer

Une série d’indicateurs liée à ces domaines prioritaires, et qui définit également le type de renseignements en temps réel dont nous avons besoin, a été établie. Je pense que la pandémie a démontré à quel point les données, surtout les données en temps réel, étaient importantes pour que nous puissions nous adapter de manière dynamique à partir de maintenant.

Avis Favaro

Annamarie, vous avez des inquiétudes concernant les données, à savoir la nature des données recueillies et qui les choisit. Qu’est-ce qui vous inquiète exactement?
Annamarie Fuchs
Dès que j’ai vu le rapport ou l’annonce, je me suis demandé : quelles données? que faisons-nous? Et enfin, ma dernière question serait la suivante : comment allons-nous recueillir les données et éviter les chevauchements?
Nous avons au pays des ministères de la Santé, des conseils de la qualité en santé, des autorités sanitaires, des organismes de recherche, des réseaux de soins primaires et divers organismes qui recueillent tous des données. Ces données sont en grande partie similaires. La plupart ne peuvent être comparées correctement, ce qui nous permettrait de cesser les sempiternelles analyses et d’apporter des changements que nous pouvons évaluer les uns par rapport aux autres afin de mesurer les progrès, de sorte que les patients puissent en bénéficier à long terme.

Avis Favaro

Voilà des arguments intéressants. Voulez-vous y répondre, Jennifer?
Jennifer Zelmer
Je pense que dans tout ce que nous faisons, nous devons nous demander où est la valeur. Nous devons nous assurer que les données dans la collecte, le traitement et l’utilisation desquelles nous investissons contribuent réellement au changement et au travail que nous effectuons pour rendre le système de santé plus sûr, plus équitable et de meilleure qualité.

Avis Favaro

Un certain nombre de provinces se tournent aujourd’hui vers le secteur privé, les cliniques privées, pour la prestation des soins de santé. Ainsi, lorsque différentes données sont contrôlées par un organisme privé, comment être certains qu’elles seront partagées de manière adéquate? Annamarie?

Annamarie Fuchs

En ce qui concerne le partage des données et la transparence, que ce soit dans un hôpital ayant pignon sur rue ou dans une clinique chirurgicale privée située dans un centre commercial et utilisée pour réduire les listes d’attente et gérer les résultats pour les patients, une charte des données sur la santé — qui a déjà été envisagée et qui est basée sur le droit à la santé garanti par la Déclaration universelle des droits de l’homme — donc, une charte des données sur la santé que tout le monde doit signer serait une étape importante dans le processus menant à une transparence totale et, j’ajouterais, à une responsabilisation de tous les dispensateurs, qu’ils travaillent à l’hôpital ou dans la clinique du centre commercial.
Il faut donc un ensemble de changements législatifs et politiques pour permettre aux cliniques privées de collaborer et de travailler de manière appropriée avec ce que la population considère comme le système public. Le système public est toujours soutenu par ces cliniques, qui ouvrent dans tout le pays. C’est en tout cas ce que l’on observe en Alberta. Mais je pense que le fait d’avoir une attente commune pour la modernisation des données, c’est-à-dire qu’une charte des données sur la santé soit signée par tout le monde et que la Stratégie pancanadienne de données sur la santé, qui traite en partie de ces questions, soit également mise en œuvre, contribuera à réduire certains des risques dont vous parlez, Avis. C’est du moins mon avis.
C’est une chose de s’attaquer aux priorités actuelles, et je suis complètement d’accord pour que les listes d’attente soient réduites et que les gens soient vus et soignés. Je dirais également que nous avons besoin que des modifications soient apportées aux politiques et à la législation pour nous assurer que dans 5 ou 10 ans, nous n’aurons pas créé un problème plus important en essayant de résoudre ceux d’aujourd’hui. Nous devons résoudre les problèmes et créer un système plus transparent et plus solide sur le plan législatif. Ce n’est tout simplement pas encore le cas.

Avis Favaro

Pour en revenir à la question générale, pensez-vous que cet accord permettra aux Canadiens de bénéficier de meilleurs soins de santé? Jennifer?

Jennifer Zelmer

Je pense que les ressources sont essentielles pour nous permettre de faire ce que nous avons à faire. Je pense aussi, comme le reconnaissent ces accords, qu’il nous faut d’autres choses en plus. N’est-ce pas? Par exemple, il nous faut des données.
Prenons les travaux sur le vieillissement dans la dignité, d’autres travaux complémentaires ont été effectués relativement aux normes en soins de longue durée. Nous devons également effectuer le travail nécessaire pour que des changements soient apportés, pour que le soutien et les outils qui favorisent le changement soient mis en place, avec et pour les patients et les dispensateurs de soins.
Nous avons donc besoin que tous ces ingrédients soient réunis pour réaliser les changements de fond que nous souhaitons tous pour l’avenir, car le système de santé dont nous aurons besoin dans 10 ans n’est pas le même qu’aujourd’hui.

Avis Favaro

Teri, êtes-vous encouragés par ce que vous voyez?

Teri Price

Oui. Je pense que nous le sommes. Je pense que les discussions sur le changement sont de plus en plus nombreuses, et lorsque nous discutons de changement partout au pays, beaucoup de personnes s’y intéressent et veulent y contribuer. Et je pense qu’aujourd’hui, 11 ans après la mort de Greg, la situation n’est pas la même que dans les premières années suivant son décès, pour différentes raisons y compris la pandémie. Mais cela nous encourage de savoir que nous sommes en train de créer des conditions propices au changement.

Avis Favaro

Quelle différence espérez-vous voir pour les patients d’ici 5 ou 10 ans?

Teri Price

J’espère que les patients pourront consulter leurs propres renseignements et les partager avec leur équipe de soins, peu importe où elle se trouve. J’espère qu’ils pourront inclure des membres de leur famille ou un autre dispensateur de soins, et que tous pourront collaborer et travailler efficacement en équipe.

Avis Favaro

Annamarie, que voulez-vous que les Canadiens surveillent à mesure que cet accord sera mis en œuvre au cours des 10 prochaines années?

Annamarie Fuchs

Si je me mets à la place du public, je pense que je guetterais un véritable changement qui a du sens pour moi. Ce que je veux dire par là, Avis, c’est que n’importe qui peut consulter son solde bancaire sur son téléphone, son ordinateur ou même sur un guichet automatique dans un dépanneur. La modernisation des données financières s’appuie sur un modèle de gouvernance et législatif qui a rendu la gestion de ces informations plus simple pour vous et moi.
Ma santé est bien plus importante pour moi, du moins je l’espère, que l’argent que j’ai en banque. Le public doit donc tenir les élus responsables de moderniser le système de telle sorte que si une personne atteinte d’une maladie chronique se casse la jambe ou si une personne se blesse et est incapable de s’exprimer, le dispensateur de soins aura accès à ces données et pourra veiller à ce que la personne reçoive tous les soins dont elle a besoin. Cela se fait ailleurs, donc cela peut se faire ici également.
Le public doit donc surveiller ce type de changement. Il doit faire partie de la solution, car les lois sur la protection de la vie privée ont été conçues pour le protéger. Bien sûr, elles peuvent protéger le public dans une certaine mesure, mais en réalité, elles lui nuisent puisque le modèle de garde de données a créé le cloisonnement et fait en sorte que les renseignements de Greg ne l’ont pas suivi comme ils auraient dû.
La santé doit devenir un droit fondamental, et nos dirigeants politiques sont tenus de n’être que les gardiens de ce que nous fournissons, afin que le public en bénéficie à long terme. Et nous devons mettre un terme aux fluctuations du financement, qui est tantôt accordé tantôt retiré selon le parti au pouvoir.

Avis Favaro

Il s’agit d’une question très importante, et c’est pourquoi nous avons tenté d’analyser la plus récente annonce de financement et d’aider les gens à mieux la comprendre.
Je vous remercie toutes les 3 d’avoir participé à cette discussion. Je tiens à préciser que Teri et sa famille ont un site Web. Pouvez-vous nous en parler, afin que les personnes qui le souhaitent puissent voir le film et examiner des questions que vous tentez de soulever avec l’histoire de Greg?

Teri Price

Oui. L’adresse du site Web est donc gregswings.ca et nous organisons des projections publiques mensuelles du film. Nous ne l’avons publié nulle part, alors vous ne le trouverez pas en faisant une recherche dans Google. Nous avons procédé intentionnellement de cette façon, car nous croyons qu’il est important d’avoir une discussion après le film.

Avis Favaro

Merci, Teri, pour votre travail de sensibilisation. Non seulement vous avez vécu une tragédie, mais vous essayez d’en faire un élément positif pour les Canadiens d’un océan à l’autre, et je vous en remercie.
Merci, Jennifer, et merci, Annamarie. Je pense que nous devrions organiser un podcast dans 5 ans pour analyser l’évolution du financement et les progrès que nous avons réalisés dans les domaines clés. Mais je vous remercie toutes les 3 d’être venues.
Comme vous l’avez entendu, de nombreuses personnes surveilleront de près le nouvel accord fédéral de financement de la santé, à la recherche de l’innovation, de la flexibilité et de la responsabilité accrue qui prouveront dans quelle mesure les provinces et les territoires fournissent des soins de qualité et en temps voulu aux Canadiens partout au pays.
Notre producteur exécutif est Jonathan Kuehlein, et nous saluons Alya Niang qui anime le balado en français de l’ICIS.
Si vous voulez en savoir plus sur les dernières données diffusées par l’Institut canadien d’information sur la santé, rendez-vous sur icis.ca, i-c-i-s point c-a, et abonnez-vous à notre balado sur la plateforme de votre choix.
Ici Avis Favaro. À la prochaine!
 

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