Le coût des systèmes de santé du Canada — Stéphane Robichaud

24 min | Publié le 22 novembre 2021

Le Canada investit des milliards de dollars dans ses systèmes de santé chaque année, et pour la toute première fois, le cap des 300 milliards a été franchi en 2020 en raison de la pandémie de COVID-19. Stéphane Robichaud, directeur général du Conseil de la santé du Nouveau-Brunswick (CSNB), se joint au Balado d’information sur la santé au Canada pour discuter avec nous des effets de la pandémie sur le coût des soins de santé à l’échelle du pays. Il nous expose son point de vue quant à l’importance de mieux connaître les besoins de notre population pour éclairer la planification des systèmes de santé.

Cet épisode est disponible en français seulement.

Transcription

Alex Maheux :    

Bonjour et bienvenue au Balado d'information sur la santé au Canada. Je suis votre animatrice, Alex Maheux. Dans cette émission de l'Institut canadien d'information sur la santé, nous allons analyser les systèmes de santé du Canada avec des patients et des experts qualifiés. Restez à l'écoute, car nous irons au-delà des données pour en savoir plus sur le travail qui est fait pour nous garder en santé.

L’ICIS a publié le premier rapport sur les dépenses de santé durant la pandémie qui démontre que nous dépasserons 300 milliards de dollars cette année, un nouveau record en dépenses de santé. Pour nous aider à comprendre ce que ça veut dire pour la santé des Canadiens et Canadiennes, nous en parlons avec Stéphane Robichaud, le directeur général du Conseil de la santé du Nouveau-Brunswick.

Bonjour Stéphane, bienvenue au balado.

Stéphane Robichaud :    

Bonjour, merci pour l'invitation.

Alex Maheux :    

Comment ça va aujourd'hui?

Stéphane Robichaud :    

Ça va bien, ça va très bien. Il fait beau.

Alex Maheux :

Il fait beau, parfait! Je dois avouer, j'avais vraiment hâte de vous parler aujourd'hui sur notre balado. Nous avons à ce jour parlé beaucoup de l'impact que la COVID a eu sur notre santé, sur notre bien-être au Canada, mais par contre un élément que nous n’avons pas vraiment abordé sur le balado c'est le fardeau que la COVID a eu sur notre économie et nos budgets gouvernementaux. Premièrement, j'aimerais commencer en vous demandant comment vous avez vécu la pandémie dans votre rôle? Ça doit avoir été des temps très difficiles.

Stéphane Robichaud :    

Pour le Conseil de la santé, ça a été plus simple qu'une organisation de service de santé. Alors nous, on a un budget annuel, si le budget n'est pas touché pour le reste, il faut dire qu'un temps de pandémie pour une organisation qui n'est pas une organisation du service, ça représentait essentiellement pour nous des économies, si l'on veut. Dans la mesure où il n’y a pas de déplacement, ce qu'on avait comme rencontre, toutes ces choses-là. Alors du point de vue du Conseil de la santé, ça a été relativement simple. Je pense que du point de vue de nos systèmes et bien ça a été tout trop autre.

Quand on se met dans le contexte de ce printemps-là 2020, c'est assez particulier quand la planète entière s'arrête. Dans ce contexte-là, ce qu'on a pu voir c'est vraiment des décisions en lien avec les services de santé ou, en tout cas, là où on voyait les besoins à ce moment-là. Mais ça a aussi été, comment je dirais, il faut comprendre dépendamment ou on vivait au Canada, à ce moment-là, le Nouveau-Brunswick en 2020 c'était une situation quand même différente de la réalité de plusieurs autres régions au Canada. Si on regarde Toronto, Montréal, les grands centres où on avait des allées venues beaucoup plus fréquentes, donc le virus pouvait se propager de façon plus fréquente. Les impacts des cas sur les services hospitaliers étaient autres que ce qu'on a vu au Nouveau-Brunswick. On a vu une très longue période sans ces impacts-là.

Alors, pour le système au Nouveau-Brunswick, on avait un peu une anomalie où on avait une petite proportion de gens qui étaient sur occupés 7 jours semaine. Quand on sait qu'on a suspendu beaucoup de chirurgies, ces choses-là, des gens qui effectivement ne pouvaient rien faire pour une période de temps. Alors, il y avait une grande anomalie à ces premiers mois-là dans ce sens-là.

Alex Maheux :    

Certainement. Plongeons-nous un peu dans les détails. L’ICIS a publié un rapport très dernièrement sur les dépenses de la santé durant la pandémie qui démontrait une augmentation d'environ 12% pour les dépenses de santé depuis l'année précédente. Ce qui marque environ 3 fois plus le montant habituel entre chaque année. Les provinces et le gouvernement fédéral avaient évidemment besoin de dépenser un plus gros montant pour s'assurer que ceux au Canada avaient accès aux soins qu'ils avaient besoin. Pouvez-vous nous conter un peu ce que vous avez vu, vous, dans les 2 dernières années du côté financier? Qu’est-ce que vous pensez qu'on va pouvoir voir dans les prochaines années aussi?

Stéphane Robichaud :    

Bien, il y a 2 parties à votre question que je pense qu'il est important de se pencher. 2 ans là, c'est une vision beaucoup trop courte si on peut parler de la situation financière, des augmentations, dépenses. Dès le début de nos services financiers publiquement au Canada, l'approche contenait des lacunes qui n'ont jamais été adressées. Par conséquent, quand on a des augmentations, des réductions ça fait suite à des pressions fiscales, si l'on veut. On a eu des contraintes dans les années 90. Au début des années 2000 avec le rapport Romano, on a décidé d'augmenter les dépenses vers la fin de cette entente de 10 ans là. On a réalisé que les augmentations ne nous donnaient pas des résultats, on a resserré. Alors on a augmenté, resserré, augmenté, resserré et c'est quelque chose qui a toujours fait partie du cycle. Il n'est pas surprenant qu’en temps de pandémie il y ait eu chez plusieurs un sentiment… et c’est le principal outil dont disposent nos décideurs, c'est d'augmenter ou de diminuer les dépenses.

Alors, si ce n'était d'augmenter les dépenses, j'ai l'impression que les gens n'auraient pas su quoi d'autre faire pour répondre à une crise, finalement, qui était pandémique. Il faut aussi penser que partout au Canada on n'a pas réagi de la même façon. Au Nouveau-Brunswick, on n'a pas augmenté autant les dépenses dans cette période-là. Mais c'est, comment je dirais, c'est une réaction à une situation très drastique, on a augmenté les dépenses. Au cours des décennies, ça a été le principal outil des décideurs, ça a été d'augmenter ou de diminuer. Dans une approche de budgets globaux où on a une très pauvre compréhension de nos dépenses, c'est à peu près le seul outil à la disposition des leaders dans nos systèmes.

Vous avez parlé d'accès et d'augmentation des dépenses pour l'amélioration de l'accès. Je pense qu’on doit se permettre de se poser la question : est-ce qu'on a réellement compris si on avait répondu au besoin ou non? C'est important de se poser cette question-là. On a accepté de dépenser parce que c'est l'outil que nous connaissons le mieux, c’est de dépenser plus. Mais est-ce qu'on va, un moment donné, avoir une bonne compréhension de l'impact sur ceux qui n'ont pas accédé aux soins dont ils avaient besoin ? Si j'allais regarder les prochains 2-3 ans, 4 ans, pour moi ça va être l’effet de l'élastique. Si on pense à des opérations de genoux, de hanches, où la situation des gens continue à se détériorer avec la période d'attente pour différentes raisons. Ça veut dire qu’au moment où on va revenir à une soi-disant plus normale de répondre à ces besoins-là, on risque de faire face, et si on ajoute à ça la situation de la santé mentale, et tout ça, à une demande accrue. Et ça, c'est la demande ou les pressions sur le système.

Mais fondamentalement, à l'heure actuelle, il nous est impossible de réellement apprécier à quel point on répond au besoin parce qu'on n’analysait pas les besoins de façon appropriée avant la pandémie. Si c'est ça le cas, est-ce qu'on peut vraiment penser qu'on va réussir à répondre adéquatement à cette réalité-là?

Alex Maheux :    

Vous avez mentionné qu’en partie à cause de la pandémie, il y a eu une demande accrue à cause des chirurgies cancellées, des augmentations des besoins en santé mentale. On a vu tout ça dans les rapports de l’ICIS qui montrent comment les personnes ont utilisé nos systèmes de santé. Mais en même temps, à cause des grosses dépenses qu’on a eues durant la pandémie, il y a eu plusieurs personnes qui parlent maintenant d'avoir besoin d’un resserrement à cause de la dernière année. Comment est-ce qu'on peut concilier ces 2 choses?

Stéphane Robichaud :    

Ça ne serait vraiment pas la première fois où on va vivre, si ça se matérialise, on va vivre une restriction budgétaire. Je pense que pour ceux qui se trouvent dans chacun de ces cycles-là, on perd un peu la perspective à long terme. C'est que fondamentalement, c'est le principal outil qu’on dispose, c'est d'augmenter ou de réduire les dépenses. Mais on se pose rarement la question est-ce qu'on obtient ce que l'on veut on échange pour ces augmentations-là de la même façon qu'on diminue les dépenses. Souvent ce qu'on voit ce sont des décisions mises à plus tard, plus souvent. Les pressions augmentent pendant qu'on ne fait pas les dépenses appropriées. Je pense que ce que ça nous met devant c'est une situation où il faut absolument améliorer dans le contexte canadien, il faut améliorer notre approche par rapport à la planification des ressources, l'usage des ressources.

Au moment actuel, et nous dans le travail du Conseil de la santé, c'est devenu très évident très tôt dans nos travaux que non seulement au Nouveau-Brunswick, mais partout au Canada, on n'a pas une compréhension appropriée des besoins de santé de la population que l'on dessert. Par conséquent, on distribue nos ressources comme si tout le monde avait plus ou moins les mêmes besoins, si vous voulez. Alors, on ne comprend pas très bien, par exemple, des populations cibles, si on pense à des gens, à la proportion de la population qui a des maladies chroniques. C'est là où le vieillissement devient une question importante. On ne fait pas un très bon travail non plus à bien comprendre les résultats en termes de qualité de service de santé, les résultats que l'on obtient. Est-ce qu'on a de bons résultats? On est faible à ce niveau-là.

Troisièmement, on a une très pauvre compréhension de nos ressources. On sait combien on dépense en général, mais la distribution de nos ressources, est-ce que c'est fait de façon équitable? Est-ce que c'est fait de façon à bien répondre aux besoins de nos populations de façon géographique, par exemple? Une très pauvre compréhension. Ce qui fait que quand on est entré en pandémie et qu'on a eu tout ce débat-là dans les premiers mois sur les ventilateurs, par exemple, il aurait été bien qu'un moment donné quelqu'un dise simplement : dans nos services de santé publique en santé, on ne sait pas ce qu'on a essentiellement. On ne sait pas. Et si quelqu'un l'avait dit très tôt, peut-être que ça nous aurait aidés dans notre compréhension collective à identifier un des éléments importants à adresser de l'autre côté de la pandémie ou de l'autre côté de cette crise-là.

Alex Maheux :    

J'ai beaucoup entendu le terme l'orage parfait qui affronte maintenant nos systèmes de santé. Ceci inclut le vieillissement de notre population, l'épuisement et là diminution notre main-d'œuvre dans le domaine de la santé et aussi bien sûr la pandémie de la COVID-19. C'est beaucoup à digérer et en discuter. Commençons avec le vieillissement de la population qui a maintenant besoin de plus de soins, plus de soins complexes. En fait, j'ai entendu l'autre jour que la population âgée de 75 ans et plus s’attend à s'élever à un taux de 6 fois plus rapidement que la main-d'œuvre. Est-ce que nous avons besoin de réévaluer où nous mettons nos efforts et nos dépenses pour améliorer tous les deux la santé de nos aînés et aussi l'efficacité des dépenses?

Stéphane Robichaud :    

Je pense que le vieillissement c'est probablement un des sujets les plus parfaits pour mettre en valeur des pistes de solution, pour améliorer justement notre système de santé. C'est peut-être un défi de formation pour le secteur de la santé parce que le secteur de la santé, vous savez, ne pense pas aux gens. Le secteur de la santé, il pense aux maladies, aux conditions et tout ça. Alors, un terme comme le vieillissement, on associe vieillissement automatiquement à un besoin de service, alors que ce n’est pas nécessairement le cas. Ce n’est pas le cas pour, je pense, encore la majorité de la population. Mais l'élément des maladies chroniques que vous avez mentionné, c'est ça la question. Et la question c'est le fait que, et ça depuis 1974, le rapport Lalonde en 74, si vous le lisez, moi, ça m'a fait réagir. Quand on lit un texte en 1974 qui dit qu'avec le vieillissement de la population et l'augmentation des maladies chroniques dans notre population, qu'il est absolument essentiel de changer la façon dont on gère nos services de santé. Qu'il faut absolument valoriser la prévention autant que le traitement des conditions aiguës. Et ça, c'est en 1974.

Alors c'est quoi? Est-ce un manque d'éducation dans notre secteur de santé, que les gens sont pas assez éduqués pour comprendre ça? Je doute, c'est probablement un des secteurs les plus éduqués dont on connaît. Donc, je crois que c'est à ce moment-là une vision trop myope, trop à court terme, trop courte. Il faut regarder le vieillissement, premièrement, c'est une réussite de notre société, le vieillissement, ce n'est pas un problème, ce n’est pas un défi. Mais oui, au niveau de santé, la cible ce n’est pas la question du vieillissement autant que cette partie de la population dont le vieillissement est accompagné avec une détérioration graduelle de leur santé. Ils ont commencé avec une maladie chronique. Ils ne la gèrent pas bien. Ils en développent d'autres, etc.

Alors, est-ce qu'on pourrait mieux cibler cette sous-population-là? Et de la perspective de la planification et de la gestion de nos services, en faire un groupe prioritaire. Ce n'est pas au détriment de toutes les autres personnes de la société, mais en n’adressant pas de façon ponctuelle et sérieuse cette sous-population là, elle consomme de façon disproportionnée nos services de santé. Il faut s'y attarder et peut-être qu’au moment où on est dans notre histoire, avec l'augmentation de ces gens-là à cause du vieillissement, là, peut-être que ça va nous pousser à faire ça.

L'autre élément, c'est au niveau des ressources, vous savez. On a énormément de professionnels de la santé qui vont prendre leur retraite au cours de la prochaine décennie. Une retraite bien méritée. Et peut-être que ça va nous pousser à voir le secteur comme étant plus que des hôpitaux et des médecins.

Alex Maheux :    

Vous venez d'y toucher, mais j'aimerais aller un peu plus loin. C'est évident que nous allons avoir un manque de ressources dans la main-d’œuvre la santé à cause du vieillissement et aussi à cause de l'épuisement causé par la pandémie. Alors, cela étant dit, quels changements nous devons faire pour attirer et retenir nos travailleurs de la santé? Et non seulement ça, mais aussi comment pouvons-nous mieux supporter les personnes qui nous supportent et supporte toutes les autres personnes de notre société?

Stéphane Robichaud :    

Ah! Bien, j'aime la façon que vous avez terminé votre question. Parce qu’au début, j'allais simplement dire pourriez-vous me dire où on prend l'idée qu'on ne reconnaît pas nos professionnels de santé comme personne? Moi, je vous poserais la question : comment est-il possible de valoriser nos professionnels de la santé sans avoir une bonne emprise des résultats qu'ils devraient obtenir par rapport à la population qu’ils desservent? Nos professionnels de la santé, là où ils se sentent le plus valorisés, ils ne sont pas différents de tous les autres secteurs économiques. C'est quand on leur facilite la tâche, à voir l'impact positif de leurs gestes quotidiens. Est-ce que dans le cas des professionnels de la santé ce qu'on vise c'est d'améliorer la réalité des professionnels de la santé ou est-ce que c'est d'améliorer la commission de santé, de la qualité des services de la population qu'on dessert? Alors, c'est central.

Trop souvent, au Canada, on a tendance, quand on met l'accent là on dit : Ah oui, mais c'est dur pour nos professionnels et tout ça. Oui, la situation est difficile, mais ce que la grande majorité avait en commun, ce n’était pas une préoccupation. Ils partageaient comment c'était dur pour eux. C'est dur pour eux parce qu'on est en train d'échouer dans nos services à la population. Si on améliore nos services à la population, ça va être mieux pour eux.

Alex Maheux :    

Ça, ce sont vraiment des grosses questions. Vous avez parlé de l'organisation de nos systèmes et que peut-être des façons qu'on peut mieux faire. Est-ce que vous pouvez élaborer un peu sur des idées que vous avez?

Stéphane Robichaud :    

Bien, pour moi, je pense qu'il y a un concept central qui s'est solidifié au cours des 12 dernières années de nos travaux au Nouveau-Brunswick. Ça parle d'un sujet qu'on répète malheureusement beaucoup trop souvent qui est beaucoup trop connu, peut-être qu'il est trop connu et c'est pour ça qu'on ne s'y attarde pas. C'est que notre système n'est pas du tout centré sur la population et il faut faire ce virage-là. Par exemple, on parle beaucoup en temps de pandémie d'investissement en technologie et des avancées que ça va amener. Pourquoi est-ce qu'on ressent tellement le besoin de souligner que les avancées technologiques représentent des opportunités d'amélioration de productivité ou de rendement? Pourquoi on ressent ce besoin-là? On sait ça depuis… ça a accompagné l'histoire de l'humanité, alors pourquoi sentir en temps de pandémie que là c'est le moment de la technologie?

Pour moi, ce n’est pas ça autant que la question c'est allons-nous réussir à clarifier les résultats souhaités par rapport à la qualité des services, par rapport à la santé de la population? Allons-nous réussir à clarifier les résultats souhaités pour guider nos investissements, que ce soit en technologie, en ressources humaines et ainsi de suite? Quand on a eu l'entente de 2004 à 2014 fédérale-provinciale, un des principaux constats du Conseil de la santé du Canada, au tout début de ces travaux-là, c'est qu’encore une fois on avait une stratégie dont on n'avait pas identifié les résultats que l'on souhaitait atteindre. Pour le Conseil de la santé du Canada, c'était un obstacle insurmontable. Il était impossible pour eux de faire rapport publiquement sur la performance de l’entente si on n'avait pas identifié ce que l’entente devait nous amener en termes de résultat.

En 2021, on n'a pas évolué. On a encore une approche où on met de l'avant les initiatives que ce soit des investissements en technologie, on parle d'intelligence artificielle et tout ça, mais on manque d'intelligence au niveau de l'approche de gestion. Il faut une fois pour tout centrer nos décisions, la planification et la gestion, sur la clientèle dont on dessert.

Alex Maheux :    

Une façon vraiment intéressante à regarder les choses. Nous parlons des dépenses, nous parlons des investissements, basés sur ce que vous venez de dire où est-ce qu'on peut mettre nos dépenses, mieux dépenser ou nos ressources financières pour les supporter afin d'accomplir ceci?

Stéphane Robichaud :    

C'est un peu un piège cette question-là, vous savez? Parce que quand on comprend la réalité ou la diversité des services de santé et des niveaux, la promotion, la prévention, si on accepte tout ce qui est souvent partagé dans nos discours, en termes d'équilibre et tout ça, ce n'est pas de donner une réponse en termes d’un sujet quelconque qui mérite plus d'investissement autant que souligner la nécessité d'améliorer l'approche que l'on a par rapport à nos dépenses. Ça revient au même point ici.

Vous savez, on le voit ici, au Nouveau-Brunswick par exemple. Quand on regarde les tendances au niveau des portraits de santé de la population et ensuite on regarde l'usage de nos services, les résultats reçus et tout ça, on identifie des sous-populations où est-ce qu'on voit un grand avantage pour eux, pour la population d'abord, mais aussi pour le système de mieux cibler. Je pense qu'au niveau de nos dépenses, c'est d'arriver à mieux cibler nos efforts et de définir c'est quoi le succès. Alors, si on regarde à certaines populations et on l'a vu ce printemps ici, au Nouveau-Brunswick, dans nos consultations, le transport ici. Le Nouveau-Brunswick est une province rurale qu'une petite population distribuée sur un très grand territoire. On ne peut pas se plaindre simplement de ça, mais ce que ça met en relief c'est qu'il y a des barrières. Des barrières souvent financières, de transport, ainsi de suite. Ce n’est pas banal ça. Quand on regarde le poids de gens qui ont certaines maladies chroniques sur notre système, s'il y a des barrières qui les empêchent d'atteindre des résultats optimaux, il faut se pencher sur ces barrières-là.

Alex Maheux :    

Je pense que je peux retrouver un thème à travers toutes vos questions : en savoir plus sur la population qu’on dessert. S’il y a une chose que nos écouteurs ont besoin de retenir de l'entrevue. Stéphane, vous avez créé une carrière dans le domaine de la santé où vous avez sûrement confronté des hauts et des bas. Quelle serait votre dernière pièce d'avis ou d'information pour les décideurs de santé?

Stéphane Robichaud :    

Il faut comprendre le secteur dans lequel on travaille. Dans toute organisation, il faut comprendre ce qu’est nos processus décisionnels. Il faut se trouver là-dedans. Au Canada, on n'a pas un système de santé, mais des systèmes de juridiction. Plusieurs vous diront que ce ne sont pas des systèmes. Ils ne travaillent pas de façon nécessairement intégrée. Notre système est public, fondamentalement. Il y a une question de gouvernance que nos provinces et territoires doivent trouver une façon d'améliorer. C'est une double gouvernance entre le gouvernement élu et qui lui change toujours et nos conseils d'administration. Elle doit être partagée. On n'a jamais de discussion là-dessus. En 12 ans, moi, je n’ai pas vu de conversation qui était à la hauteur du défi que ça représente pour nous au Canada. Alors, ça, il faut adresser ça. Ça a été une cause de beaucoup de frustration pour moi pendant ce temps-là.

L'autre partie, c'est que l'autre côté de la gouvernance, c'est les opérations. Il faut entre nos institutions, nos organisations, vous savez, si on regarde ça, à 3 niveaux on a les professionnels de santé, on a les organisations de santé pour lesquels ils travaillent et dans chacune de nos juridictions, on a ensuite ce qu'on peut appeler un ministère ou quelque chose plus globale, plus haut. Ça, c'est le côté opérationnel. Il faut une fois pour tout, dans chacune de nos juridictions, solidifier les processus décisionnels parce qu’on absence de ça, on ne sait pas où on s'en va.

Je vais vous laisser un dernier petit exemple, justement en temps de pandémie c'était intéressant de faire 70 consultations comme ça virtuelles, entendre tellement de perspectives différentes personnes. Mais ce qui était un fil conducteur c'est que tout le monde se sentait à l'extérieur du cycle décisionnel. Tout le monde, sans exception. Tout le monde. Alors à ce moment-là, ce qui était devenu clair c'est qu'il n’y en a pas un. Si tout le monde se sent à l'extérieur, il n’y en a pas un. Je crois quelque part là-dedans pour toutes nos juridictions canadiennes, il faut se pencher vers formaliser davantage nos processus décisionnels. C'est la seule façon où on peut arriver à les améliorer. L’absence de ça, ça a été une cause de beaucoup de frustrations pour moi les derniers 13 ans.

Alex Maheux :    

Stéphane, merci pour votre temps et merci aussi pour vos perspectives aujourd'hui.

Stéphane Robichaud :    

Bienvenue. Merci beaucoup pour l'opportunité.

Alex Maheux :  

Merci d'avoir été à l'écoute. Revenez-nous la prochaine fois quand nous vous présenterons d'autres sujets et perspectives de santé intéressants. Pour en savoir plus sur l’ICIS, consultez notre site web icis.ca. Si vous avez apprécié une discussion d'aujourd'hui, abonnez-vous à notre balado et suivez-nous sur nos réseaux sociaux. Cet épisode a été produit par Stephanie Bright et Angela Baker et notre producteur exécutif, Jonathan Kuehlein.

Ici Alex Maheux, à la prochaine.

<Fin de l’enregistrement>

Si vous avez un handicap et aimeriez consulter l’information de l’ICIS dans un format différent, visitez notre page sur l'accessibilité